24 octobre 2011

Nouvelles études comportementales, ethnologiques et vidéo

images (70).jpgPour comprendre l'acte d'achat d'un client de plus en plus versatile, tenté autant par des arbitrages budgtaires liés à crise que par des achats plaisir de compensation, il est nécessaire de prendre le recul nécessaire qui permettra de dessiner un tableau global de son vécu et de son cadre de vie.

Insuffisance de certaines  études shopper trop ponctuelles

Les études qui se contentaient d'analyser le comportement du consommateur en situation d'acte d'achat concret dans le magasin, en observant ses réactions face aux différents rayons, merchandisings et offres promotionnelles, ne parviennent qu'à observer ce qui se produit "en bout de course", sans comprendre le pourquoi des comportements observés, sans intégrer les raisonnements et les arbres de décision en amont du client.

Or, dans la nouvelle situation complexe qui caractérise la crise actuelle, on ne peut comprendre réellement un comportement concret qu'en intégrant le vécu du consommateur, en se demandant quelles étaient ses habitudes préalables au foyer, quelles intentions il avait avant de venir en magasin, quelles idées il se faisait des courses qu'il va effectuer, souvent avec des listes de marques, points de vente ou produits déjà prélabalement fixées.

C'est la comparaison entre ces éléments de décision préalables, et ce qui se passe concètement en rayon, qui permet d'analyser de manière fine les différents facteurs qui peuvent intervenir dans l'acte d'achat, en reconstituant des "arbres de décision" d'autant plus efficaces qu'ils sont larges et incluent de multiples facteurs liés aux habitudes et au vécu des interviewés.

Les méthodes qualitatives les plus adaptées : entretiens au foyer, observation et accompagnement ethnologique, vidéo

L'évolution des études qualitatives permet de répondre à ce nouvel enjeu, en mobilisant autant des techniques de recueil d'information traditionnelles comme les entretiens, que les techniques plus modernes et innovantes issues de l'ethnologie ou empruntant à la vidéo.

Les entretiens individuels approfondis se réalisent le plus souvent au foyer de la personne qui fait les courses, afin d'interroger plusieurs membres de la famille en même temps. Cela permet de comprendre leurs négociations et prescriptions, mais ausi d'analyser leur logique de stockage, leurs placards, leurs habitudes en  terme de  marques et produits.

Les techniques issues de l'ethnologie sont variées, et permettent de suivre ensuite  les comportements concrets des clients ou consommateurs, avant l'acte d'achat. Il peut s'agir de carnets de bord traditionnels de consommation, tenus en général sur une durée d'1 à 3 semaines. Il sont de plus en plus souvent agrémentés de photos ou de vidéos que peuvent réaliser les interviewés pour mieux partager leur vécu concret, chez eux. Il peut s'agir parfois de "vidéo-journaux" extrêmement personnels et riches d'enseignements

L'accompagnement ethnologique et vidéo des clients pendant leurs courses, permet de saisir la différence entre les déclarations spontanées, les représentations mentales et habitudes d'une part, et les comportements concrets en magasin d'autre part. C'est ce qui permet de voir l'incidence réelle des différents éléments d'organisation d'un magasin ou d'un rayon, qu'il s'agisse de merchandising ou d'autres éléments ponctuels.

Après l'accompagnement, qui donne lieu à des commentaires ou réflexions spontanées, un entretien plus traditionnel permet de faire le point avec la personne interrogée, de façon à intégrer sa propre analyse de ses motivations et freins, critères de décision et arbitrages.

Avec de tels éclairages complémentaires, les études qualitatives et les études shopper se trouvent réconciliées, en apportant un point de vue réellement innovant et large du consommateur et de ses différents critères de décision !

 

17 mai 2011

Marketing, études, et pouvoir des images à l'aune de Ben Laden et DSK

camera controle.jpgQuel rapport y-a-til entre la mort de Ben Laden, et la comparution de DSK devant le juge à New York? A priori aucun: l'un était le terroriste le plus recherché de la planète, l'autre l'une des personnalités françaises et internationales les plus en vue, prétendant implicite à la Présidence de la République Française avant son arrestation sous l'accusation de tentative de viol.

Pourtant, les deux  événements se sont télescopés pour faire la une des médias, à quelques dizaines de jours d'intervalle, avec la même rediffusion vertigineuse et nauséeuse des images en boucle, chassant toute autre information. Destin des idoles médiatiques, serait-on tenté de se dire à première vue: qu'elles soient dans le camp du Mal, ou dans le camp supposé du Bien, toute idole qui a servi à alimenter les médias jusqu'à plus soif, est menacée de finir un jour en pâture médiatique.

La fascination pour ces deux scènes provient probablement du fait que leur traitement des images relève d'une même  "triangulation du voyeur": nous sommes, comme spectateurs, situés "hors champs",  singulièrement appelés à regarder, de biais et comme par infraction, une scène étrange et interdite qui se passe entre deux autres personnages ou groupes. Dans un cas, nous regardons l'équipe d'Obama réunie à la maison Blanche en train de regarder en direct l'écran où ils assistent à l'assaut; dans l'autre cas, nous visionnons, toujours en position extérieure et tierce, la scène du tribunal habituellement interdite aux caméras en France, en assistant en direct à l'échange qui se déroule entre le juge, le procureur  et l'avocat de DSK. A chaque fois, c'est la même position  de voyeur que Baudrillard qualifiait, à juste titre, d' "obscène".

Les différences dans le contenu de l'image montrée sont tout fascinantes. Dans le cas de Ben Laden, qui incarnait la figure du Mal , l'objet même du délit demeure étrangement absent: le spectateur convié en voyeur à la scène de la Maison Blanche n'a pas le droit de voir ce que les maîtres de la planète regardent sur l'écran: nous ne voyons aucune image du terroriste le plus recherché au monde, ni pendant l'assaut, ni après, son cadavre subtilisé à la vue de tous disparaissant et étant officiellement jeté en mer pour ne point être retrouvé, avec tous les risques que cela implique pourtant de le transformer en martyr ou en "prophète invisible".

Dans le cas de DSK, l'un des hommes les plus puissants et des plus influents du FMI, le spectateur est au contraire à se repaître des images humiliantes d'un accusé blême, menotté, défait, comme pour mieux rappeler au peuple qu'il a, par contre, le droit de se réjouir de la chute des idoles qui enfreignent la Loi en s'attaquant à des victimes anonymes et innocentes. Ainsi la morale est-elle sauve, et la preuve apportée que le traitement de l'image par " triangulation du voyeur" peut, selon les cas, autant amener à cacher une partie de la scène considérée comme devant rester secrète, qu'à dévoiler les travers et les défauts d'un accusé.

Quel enseignement en tirer pour les études et le marketing? A notre époque où la vidéo devient l'un des outils intéressants du receuil de données, que ce soit sous forme de vidéo d'observation, de vidéo participative ou de vidéo-journal tels que nous les pratiquons couramment à CCCM, il faut rappeler que l'image n'est jamais neutre: elle donne toujours à voir les choses sous un certain angle, en en cachant par définition d'autres qui se trouvent en arrière champ, ou hors champ ; d'où l'intérêt de multiplier justement les angles de vue et les approches méthodologiques, sans se contenter exclusivement de la vidéo, dans une perspective multi-disciplinaire.

L'analyse même des images par un institut, le montage des scènes filmées et leur présentation finale au client, doit pour cela répondre à un souci d'objectivité et de déontologie stricts. C'était déjà le cas pour le choix des verbatims ou citations des interviewés, qu'il fallait savoir équilibrer pour éviter de monter un dossier d'étude tendancieux ou orienté, que ce soit vers les souhaits du client, ou vers les idées à priori du Directeur d'études. C'est encore plus vrai dans le cas d'une sélection d'images qui ont une force décuplée, un pouvoir de persuasion encore plus fort, notamment en interne, au sein d'une entreprise...