07 décembre 2011

L'europe, la crise et les changements de comportement des français

Rubik's_cube.svg.pngA défaut de la compétitivité de la Chine ou des quatre dragons asiatiques, l'Europe a son serpent de mer tout aussi redoutable: une crise endémique, que les politiques des pays de l'Union promettent chaque semaine de juguler par de beaux discours. Bien entendu, non traitée sur le fond, elle ne tarde pas à resurgir à la surface, en affolant les marchés boursiers et fournissant aux agences de notation le prétexte rêvé pour distribuer leurs mauvaises notes et édicter leurs oracles auto-prédicteurs.

Fidèle à une tradition de pensée critique et humaniste, le philosophe allemand Habermas est probablement l'un des rares à tenter dans son dernier essai "De l'état de l'Europe", à paraître chez Gallimard, de comprendre les raisons de la forme spécifique que prend la crise dans les pays du "vieux continent", en continuant courageusement son combat optimiste pour une Europe démocratique. Mais une Europe qui doit cesser d'être une simple communauté juridique, confisquée selon lui par un "putsh des technocrates", avec une Commission "flottante" et un Conseil européen qui "fait de la politique sans y être autorisé", laissant comme unique solution la recherche d'accords inter-gouvernementaux qui la vident de son sens. Au risque, selon lui, de voir s'instaurer une société post-démocratique, dont les peuples s'éloigneront et se sentiront de plus en plus exclus.

L'impression d'une impuisance des citoyens, conjuguée,  aux auspices de la rigueur et de la crise anoncée pour 2012 , a toutes les chances d'avoir des répercussions sur le moral des Français, sur leurs habitude d'achat et de consommation.

Certes, depuis 2008, ils ont déjà adopté de nouvelles habitudes. Dans un étude menée pour FranceAgrimer en 2009, et dont a parlé la presse, nous avons pu en effet voir que, lorsqu'ils étaient confrontés à une baisse de leur pouvoir d'achat et de leurs revenus, ils s'adaptaient en adoptant plusieurs stratégies. Comment? En changeant de comportement, avec de nouvelles valeurs consuméristes, en gérant différemment leur budget, et en pratiquant des arbitrages passionnants à étudier. Ils gardaient toutefois, à l'époque, un espace pour des achats plaisir, pour certaines marques privilégiées, pour garder des temps forts avec leurs enfants et leur famille, valeur-refuge par excellence en temps de crise.

Comment ces mécanismes d'arbitrage et d'adaptation à la crise ont-ils évolué depuis 2009, dans le nouveau contexte de rigueur et de crise qui s'annonce ? Le sujet est intéressant, passionnant même, et nous allons prochainement reprendre notre investigation sur le sujetN Nous vous en parlerons prochainement... A suivre, donc !

17 mai 2011

Marketing, études, et pouvoir des images à l'aune de Ben Laden et DSK

camera controle.jpgQuel rapport y-a-til entre la mort de Ben Laden, et la comparution de DSK devant le juge à New York? A priori aucun: l'un était le terroriste le plus recherché de la planète, l'autre l'une des personnalités françaises et internationales les plus en vue, prétendant implicite à la Présidence de la République Française avant son arrestation sous l'accusation de tentative de viol.

Pourtant, les deux  événements se sont télescopés pour faire la une des médias, à quelques dizaines de jours d'intervalle, avec la même rediffusion vertigineuse et nauséeuse des images en boucle, chassant toute autre information. Destin des idoles médiatiques, serait-on tenté de se dire à première vue: qu'elles soient dans le camp du Mal, ou dans le camp supposé du Bien, toute idole qui a servi à alimenter les médias jusqu'à plus soif, est menacée de finir un jour en pâture médiatique.

La fascination pour ces deux scènes provient probablement du fait que leur traitement des images relève d'une même  "triangulation du voyeur": nous sommes, comme spectateurs, situés "hors champs",  singulièrement appelés à regarder, de biais et comme par infraction, une scène étrange et interdite qui se passe entre deux autres personnages ou groupes. Dans un cas, nous regardons l'équipe d'Obama réunie à la maison Blanche en train de regarder en direct l'écran où ils assistent à l'assaut; dans l'autre cas, nous visionnons, toujours en position extérieure et tierce, la scène du tribunal habituellement interdite aux caméras en France, en assistant en direct à l'échange qui se déroule entre le juge, le procureur  et l'avocat de DSK. A chaque fois, c'est la même position  de voyeur que Baudrillard qualifiait, à juste titre, d' "obscène".

Les différences dans le contenu de l'image montrée sont tout fascinantes. Dans le cas de Ben Laden, qui incarnait la figure du Mal , l'objet même du délit demeure étrangement absent: le spectateur convié en voyeur à la scène de la Maison Blanche n'a pas le droit de voir ce que les maîtres de la planète regardent sur l'écran: nous ne voyons aucune image du terroriste le plus recherché au monde, ni pendant l'assaut, ni après, son cadavre subtilisé à la vue de tous disparaissant et étant officiellement jeté en mer pour ne point être retrouvé, avec tous les risques que cela implique pourtant de le transformer en martyr ou en "prophète invisible".

Dans le cas de DSK, l'un des hommes les plus puissants et des plus influents du FMI, le spectateur est au contraire à se repaître des images humiliantes d'un accusé blême, menotté, défait, comme pour mieux rappeler au peuple qu'il a, par contre, le droit de se réjouir de la chute des idoles qui enfreignent la Loi en s'attaquant à des victimes anonymes et innocentes. Ainsi la morale est-elle sauve, et la preuve apportée que le traitement de l'image par " triangulation du voyeur" peut, selon les cas, autant amener à cacher une partie de la scène considérée comme devant rester secrète, qu'à dévoiler les travers et les défauts d'un accusé.

Quel enseignement en tirer pour les études et le marketing? A notre époque où la vidéo devient l'un des outils intéressants du receuil de données, que ce soit sous forme de vidéo d'observation, de vidéo participative ou de vidéo-journal tels que nous les pratiquons couramment à CCCM, il faut rappeler que l'image n'est jamais neutre: elle donne toujours à voir les choses sous un certain angle, en en cachant par définition d'autres qui se trouvent en arrière champ, ou hors champ ; d'où l'intérêt de multiplier justement les angles de vue et les approches méthodologiques, sans se contenter exclusivement de la vidéo, dans une perspective multi-disciplinaire.

L'analyse même des images par un institut, le montage des scènes filmées et leur présentation finale au client, doit pour cela répondre à un souci d'objectivité et de déontologie stricts. C'était déjà le cas pour le choix des verbatims ou citations des interviewés, qu'il fallait savoir équilibrer pour éviter de monter un dossier d'étude tendancieux ou orienté, que ce soit vers les souhaits du client, ou vers les idées à priori du Directeur d'études. C'est encore plus vrai dans le cas d'une sélection d'images qui ont une force décuplée, un pouvoir de persuasion encore plus fort, notamment en interne, au sein d'une entreprise...