04 juillet 2011

Vacances, réunions familiales et réunions de groupe professionnelles

reunion.JPGJuillet annonce le rituel immuable des vacance d'été, avec ses cohortes qui vont se croiser de vacanciers qui partent ou qui reviennent déjà au travail. Pour vous aider dans vos besoins d'étude pendant ces mois "chauds" et pour vous aider à préparer la rentrée, nous resterons d'ailleurs ouverts et à votre disposition cet été.

Si les vacances sont l'occasion de réunions familiales ou informelles qui permettent de tisser et de renforcer le "lien social",  il nous a semblé amusant de nous intéresser aux réunions de groupe professionnelles que des instituts comme le nôtre organisent régulièrement, en tentant de créer un climat chaleureux amenant vos clients ou consommateurs à se confier. Pour que ces réunions soient productives et fonctionnent bien, il faut en effet créer une empathie et une dynamique entre les participants qui oublieront un moment le cadre "forcé" de leur rencontre: tel est le premier principe d'un groupe.

Quand utiliser ou préconiser une réunion de groupe, notamment par rapport aux entretiens individuels auxquels nous avons consacré l'une de nos notes prédédentes ?

-Dès que le sujet implique la dimension du regard social d'autrui, la présence d'autres participants permettant de reconstituer la pression sociale et d'engendrer une parole qui s'énonce sous le regard d'autrui. Une étude sur le travail temporaire montrait ainsi une forte dose d'anxiété en entretien individuel, et à l'inverse une revendication d'autonomie et de liberté en groupe. Les deux résultats n'étaient pas contradictoires: ce sont les deux versants d'une même réalité, les entretiens relatant le vécu profond, le groupe permettant de savoir quels leviers collectifs et valorisations sociales activer.

-Dès qu'il faut aborder un grand nombre de thèmes, ou tester un grand nombre de stimuli. Par opposition à un entretien individuel souvent limité à 1 heure ou 1 heure 30 minutes, les 4 heures d'une réunion de groupe permettront en effet de passer plus de temps sur chacun d'entre eux, en recueillant de plus l'avis de plusieurs personnes.

-Dès qu'on se donne des objectifs de créativité  ou d'amélioration de l'existant. Autant les entretriens sont en effet incontournables pour des bilans de marque, des segmentations de marché ou des constitutions de typologie, autant  la synergie des participants, les propos qui rebondissent et s'enrichissent mutuellement, sont des atouts indispensables pour réaliser une bonne recherche créative.

Selon les objectifs qu'on fixe à sa recherche, on peut avoir plusieurs types de groupe: c'est ce que nous verrons dans notre prochaine note, à la rentrée. En attendant, bonnes vacances à  ceux qui partent, et n'oubliez pas: nous resterons tout l'été à votre disposition pour vos besoins et problématiques d'études qualitatives !

Christian Miquel

27 février 2011

Révoltes, effet papillon et Marketing de l'imprévisible

effet papillon.jpgLes révoltes populaires actuellement en cours dans les pays arabes nous rappellent que les réactions humaines, tout comme l'avenir, demeureront toujours imprévisibles. Quasiment personne n'avait prévu la crise économique mondiale qui a éclaté il y a un peu plus de deux ans, et à part l'hypothèse d'une révolte possible de la faim dans les pays du Sud, personne n'aurait pû imaginer non plus que la révolte déclenchée par l'augmentation du prix du pain en Tunisie allait se propager auprès de jeunes diplômés condamnés au chômage, puis à l'ensemble de la population, en se diffusant ensuite dans les pays voisins - au point de balayer finalement des dictatures et des régimes autoritaires installés depuis plus de 30 ans. Et ce n'est probablement pas fini! Merveilleux exemple de l'imprévisibilité de la liberté humaine et de l'effet papillon, qui à partir d'un battement d'aile à priori insignifiant, peut perturber l'environnement, créer une onde invisible qui déclenchera plus tard des événements majeurs et inattendus.

Une leçon qu'il est peut-être temps d'intégrer dans notre vision du Marketing et des études, parfois conçus de manière trop prédictive comme une manière sûre d'anticiper et de prévoir les réactions du consommateur. Or, les études ne peuvent jamais avoir ce rôle prédictif, sans intégrer un facteur d'imprévisibilité et d'incertitude. Souvenons-nous du nombre de sondages politiques finalement  démentis par les urnes, des nouveaux produits supposément promis à un brillant succès puis aussi rapidement retirés du marché, et des innovation qui à l'inverse ont fini par s'imposer sur des cibles et des usages non prévus à l'avance.

Cela ne signifie pas que les études se sont forcément trompées, mais plus simplement que le consommateur conserve une liberté d'action et de choix final.  Le principe d'incertitude ne règne pas que dans la physique quantique, mais aussi dans les sciences humaines et les études. Même si on peut essayer d'anticiper les réactions du consommateur, rédiger des cahiers de charges pointus qui permettront de lui proposer le mix le plus apte à le séduire, il conservera toujours sa liberté et la possibiité de réaliser, à son micro-niveau, un petite révolution dans ses envies et ses habitudes de consommation. Surtout dans la pèriode actuelle d'incertitude économique qui l'amène à être plus versatile que jamais, à arbitrer fréquemment entre différentes offres, à hiérarchiser entre les achats indispensables et les achats de plaisir pour lesquels il consentira plus facilement un sacrifice supplémentaire.

Pour intégrer cette part d'imprévisibilité dans les études, les méthodologies doivent désormais intégrer le paradigme de la complexité cher au sociologue Edgar Morin. Pour mieux cerner les réactions possibles du consommateur, il vaut mieux l'aborder en effet dans toute sa complexité, sans outil ou éclairage unique, en variant les approches selon les problématiques : les entretiens qualitatifs pour mieux cerner ses motivations et freins individuels, les réunions de consommateurs/clients pour intégrer la pression du groupe et le regard social, les observations comportementales et le "quali shopper" pour comprendre en profondeur son comportement sur les lieux de vente, les études participatives à visée ethnologique pour intégrer son environnement culturel et familial, le vidéo-journal pour le faire participer activement et de manière nouvelle à la recherche.

Plus que jamais, face à la complexité du consommateur et à la multiplicité des outils qualitatifs, le rôle de l'institut d'études est de conseiller et de discuter avec le client pour savoir quels outils privilégier, et souvent associer pour aboutir à des analyses et à des conclusions plus fines.

Cette richesse méthodologique doit aller de pair avec une capacité d'analyse qui tienne compte de la complexité et de la variété des outils utilisés, en  mettant en rapport les différents types d'éclairage et de méthodologies mobilisées. Car l'individu qui nous intéresse est tout à la fois un sujet désirant soumis à la tentation et à la séduction, un shopper qui arbitre rationnellement avec des raisonnements parfois dignes d'un cost-killer, un consommateur cherchant des bénéfices pratiques et gustatifs pour son foyer, et un citoyen soucieux d'écologie ou de toute autre valeur.

Pour comprendre et synthétiser ces différentes facettes, la meilleure solution est encore de s'imprégner du terrain, en l'accompagnant dans ses différentes phases. Le temps est probablement révolu de ces Directeurs d'études qualitatives qui sous-traitaient le terrain et l'analyse, en se contentant derrière leur bureau de synthétiser les résultats fournis par d'autres; ils apparaitront probablement dans quelque temps aussi désuets et archaïques que des ethnologues qui se contenteraient de documents rapportés par d'autres, sans jamais aller sur le terrain!

L'impact de la complexité et de l'imprévisibilité du consommateur amène enfin à changer la nature des préconisations et des conclusions habituelllement fournies à l'issue d'une étude. Le temps du cabinet-gourou, du directeur d'études capable d'indiquer "LA" bonne voie et la seule solution possible semble lui aussi définitivement remis en cause, même si c'était plus rassurant et probablement plus confortable pour certains clients!

C'est ainsi que nous avons pris l'habitude, le plus souvent, de présenter nos préconisations sous forme de deux ou trois scénarios possibles, en essayant de montrer les avantages et les facteurs de risque de chaque solution, avec un nouveau rôle de conseil et d'éclairage des différentes possibilités. En ces temps d'incertitude, c'est probablement la meilleure manière de remplacer l'illusoire préconisation univoque et déterministe, en proposant à la place une véritable aide à la décision, capable de repérer les opportunités gagnantes, tout en étant conscient des limites et des risques inhérents à chaque solution. C'est ainsi que nous espérons contribuer à un nouveau Marketing d'autant plus performant et pointu, qu'il abandonne son ancienne aura de prédictibilité déterministe...