20 janvier 2009

Obama, crise et nouveau paradigme Marketing ?

En ce jour d'investiture d'Obama, chacun d'entre nous ne peut que se féliciter du vent d'optimisme, et surtout d'espoir qui souffle sur le monde. Sans espoir, pas de projets, et donc pas d'avenir à créer. Mais la situation que va devoir affronter le nouveau président des Etats Unis est toujours aussi difficile, la crise n'ayant malheureusement pas disparu du paysage. Loin d'être passagère et conjoncturelle, elle semble bien structurelle et installée pour longtemps, attendant pour le moment les décisions de la nouvelle équipe qui s'installe à la maison Blanche.
Une telle crise, profonde et durable, ne peut qu'avoir des conséquences à peine encore explorées sur le comportement du consommateur. Le fait même qu'il hésite et remette à plus tard le renouvellement de son automobile, symbole jusqu'ici emblématique de sa liberté et de son statut social, en est le symptôme le plus évident. Avec la récession et la baisse de son pouvoir d'achat, le consommateur se voit obligé d'arbitrer et de hiérarchiser ses besoins, de rationnaliser ses critères en cherchant des biens qui correspondent à un véritable besoin, qui dureront plus longtemps et qui éviteront de futures dépenses inutiles, ces critères oubliés revenant soudain au premier plan. Si on croise cette tendance avec celle du développement durable, qui n'est hélas le plus souvent qu'une déclaration d'intention bien pensante mais qui repose pourtant sur une nécessité écologique inéluctable, ne voit-on pas émerger un nouveau paradigme de valeurs et de comportements ? En interrogeant plus finement le consommateur, en s'intéressant notamment à ses arbitrages en situation, à la nouvelle dynamique de ses motivations et de ses freins, les études que nous menons commencent à repérer cette nouvelle logique en émergence du citoyen-consommateur.
Ce nouveau paradigme ne va pas changer que le domaine des études. Dans le domaine de la Recherche, il va peut-être amener à concevoir d'une nouvelle manière l'innovation, en cherchant moins à concevoir l'essuie-glace gadget qui durera le moins longtemps possible que le produit qui dure et vaut l'investissement. Dans le domaine économique, il risque de remettre en cause le modèle qui a débuté au vingtième siècle avec le Fordisme qui promettait à chacun de pouvoir accéder sans limite à tous les biens de consommation, y compris la voiture jusqu'alors réservée à une élite, et qui a ensuite dominé tout le vingtième siècle en privilégiant une société de sur-consommation dans laquelle il fallait sans cesse relooker ses produits pour renouveller l'achat. N'est-ce pas le signe qu'il risque ausi de changer la manière de concevoir le Marketing, en l'invitant moins à se fier uniquement à des recettes de changement perpétuel, qu'à l'analyse des apports profonds d'un produit, à sa correspondance à des besoins ou à des tendances de fond, comme le croyait Maslow ?
Quel que soit le nouveau paradigme de comportement du consommateur en émergence avec la crise, il ne faut pas oublier qu'il ne sera pas "que" rationnel, et qu'il incluera aussi sa part de valeurs, de croyances, d'espoirs et de désirs qui se cristalliseront d'une nouvelle manière sur les produits, et qu'il faut savoir prendre en compte. C'est bien ce que nous apprend, positivement, l'Obamania actuelle: la crise n'est pas porteuse que de comportements restrictifs, elle est aussi à l'origine de nouveaux rêves et espoirs, de nouvelles utopies et valeurs collectives à prendre en compte pour mieux compendre la dynamique du monde dans lequel nous vivons...
Christian Miquel