17 mai 2010

Retour aux fondamentaux en temps de crise: comment évaluer un bon entretien individuel ?

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Il y a maintenant plus d'un an et demi, nous évoquions sur notre blog une crise qui n'en était, selon nos analyses, qu'à ses débuts. Elle n' a cessé, depuis, de rebondir malheureusement comme prévu,  en un jeu de dominos qui est passé de la crise bancaire des crédits immobiliers et subprimes à une crise de consommation, puis récemment à la crise de la dette de certains Etats, avant de s'attaquer maintenant à la monnaie emblématique de l'euro: on avait juste oublié qu'une monnaie n'est pas qu'une valeur d'échange, mais qu'elle est aussi l'expression de rapports sociaux et d'un consensus politique... justement inexistant ! A chaque fois, cette crise qui s'attaque aux points faibles du système, témoigne bien du fait qu'il ne sert à rien de s'abriter derrière de grands principes en tentant de nier la réalité: cette dernière finit toujours par s'imposer.

Dans de telles situations de crise, qui voient un consommateur déboussolé et versatile, il faut revenir aux fondamentaux, faire preuve de créativité et de souplesse méthodologique. C'est ce que nous essayons de faire régulièrement sur ce blog, en proposant à la fois des solutions plus souples et plus économiques (notamment avec des réunions délocalisées chez le client ou sur le lieu de vente), et des méthodologies plus aptes à saisir les comportements du consommateur (que ce soit avec des observations in situ, ou avec l'intégration de la vidéo, tous deux en essor, même si nous les utilisions déjà dans les années 1980-1990)

Plus que jamais, ces méthodologies dépendent de la qualité du recueil des données, et notamment de l'art de réaliser un bon entretien individuel. Car, quelle que soit la méthode, un entretien biaisé par des questions trop directives, par des relances tendancieuses ou un manque de relance du psycho-sociologue, ou encore par une analyse bâclée, suffit pour invalider les résultats d'une étude.

Comment s'assurer, donc, que les entretiens individuels, les plus aptes à comprendre en profondeur les réactions du consommateur, sont passés dans les "règles de l'art"? Voici quelques petits conseils qui permettent de se rendre compte facilement, en cours d'étude,  de la qualité des entretiens individuels réalisés:

.Le guide d'entretien est-il bien élaboré, prévoyant d'aborder tous les thèmes, en entonnoir de du plus général au plus particulier,  sans omettre le passage quasi obligatoire de l'exploration préalable de l'univers ou du marché de référence? Un mauvais guide, tout comme le mauvais briefing, ne permettra pas de revenir en arrière...

.La personne en charge de l'entretien est-elle un(e) psycho-sociologue expérimenté(e), qui a l'habitude de travailler avec l'institut choisi? Trop souvent, des économies budgétaires seront effectuées en donnant la responsabilité du terrain d'entretiens à des enquêteurs essentiellement quantitatifs, ou à des stagiaires

.L'entretien se déroule-t-il en laissant suffisamment de silence et de non directivité, indispensables pour laisser à l'interviewé le temps nécessaire pour qu'il puisse réfléchir, approfondir son point de vue, élaborer de nouvelles pistes de réflexion allant au delà de la simple opinion?

.Les relances sont-elle faites pour comprendre le "pourquoi", de manière non directive, en reprenant les propos de l'interviewé "en miroir", sans rien induire? Rien de pire que l'interviewer qui laisse filer des jugements sans demander inlassablement pourquoi telle ou telle opinion, ou qui, pour se faire briller, reformule sans cesse les propos des interviewés en proposant ses propres interprétations ("si vous n'aimez pas, c'est donc parce que..." ). L'entretien cesse alors d'être un processus maïeutique, pour devenir  ce que nous appelons de l' "interprétation assistée par consommateur".

Quels traitements et analyses sont-ils prévus, une fois l'entretien réalisé? Il est indispensable de savoir si l'entretien donne lieu à une prise de note, et/ou à une retranscription ultérieure qui permettra de l'analyser sérieusement, avec une mise à plat thématique et une analyse individuelle. Car un bon entretien, insuffisamment ou mal analysé, passe malheureusement en pertes et profits. Méfiez-vous à ce propos des résultats livrés 48h après la fin des résultats (ce qui n'est possible qu'en sacrifiant l'analyse), tout comme ces interviewers qui ne cessent de prendre des notes pendant leur interview: le plus souvent, c'est parce qu'ils se contenteront de réaliser un résumé monographique de l'entretien, la synthèse se contentant de ce matériel et d'un débriefing hâtif.

Soyez enfin attentif aux verbatims, ces extraits d'interview livrés dans le rapport: s'ils sont quasi-inexistants, ou s'ils s'expriment uniquement sous forme télégraphique de mots rarement liés en phrase, c'est que l'analyse s'est faite sur un corpus trop réduit. A l'inverse, des verbatims complets, avec des vraies phrases, sont un gage de qualité, et vous permettent de mieux comprendre et contextualiser les  propos des gens

Veiller à la qualité des entretiens individuels, c'est s'assurer de la qualité du travail fourni. Ce qui est d'autant plus important en temps de crise, où il est plus que jamais important de s'appuyer sur des fondamentaux solides...

Pour plus de détails, voir l'ouvrage de Claire Couratier et Christian Miquel:

Les études qualitatives: Théorie, application, methodologie, pratique (L'Harmattan,2007) http://etudes.blogsmarketing.adetem.org/list/les_etudes_q...