20 avril 2009

Nouvelles coordonnées, histoire du qualitatif (suite)

Avant un nouveau chapitre de l'histoire du qualitatif, MESSAGE IMPORTANT: merci de noter les nouvelles coordonnées de CCCM pour vos études qualitatives: Tél : 01 41 46 99 40. Et le tout nouveau site : http://www.cccmquali.fr . Nos mails: c.miquel@cccmquali.fr ; c.couratier@cccmquali.fr

Saviez-vous que les entretiens qualitatifs remontent aux années 1920? Piaget, le premier, parle en 1926 de « méthode clinique » pour présenter la technique qui consiste à établir une analyse et un diagnostic, en se basant, non sur le seul déclaratif verbal, mais sur les signes révélateurs implicitement présents dans le discours du patient. Il thématise pour la première fois l’importance de l’écoute libre de la personne interrogée, en se basant sur l’expérience qu’il a acquise au contact des enfants. En effet, il avait remarqué que si on les soumet à un questionnaire standardisé, ils parlent peu, ou alors émaillent leurs propos d’affabulations pour chercher à se faire bien voir ou à donner la bonne réponse. A l’inverse, dès qu’on les laisse parler librement, sans leur poser une question précise, non seulement ils répondent plus facilement, mais aussi de manière plus spontanée, en laissant apparaître leur personnalité et leurs motivations profondes.
En abandonnant l’hypnose, Freud apportera en plus les techniques d’écoute flottante et, surtout, d’association d’idées : non seulement il faut laisser l’interviewé parler librement, mais il faut aussi l’inciter à dérouler le fil des associations mentales qu’il peut tisser autour d’un événement. Cette technique est encore utilisée de nos jours, lorsqu’on demande par exemple à l’interviewé, avant tout avis ou jugement sur un sujet, de réagir par des évocations, par des ressentis et par des associations libres.
Le dernier principe des entretiens qualitatifs sera amené par Carl Rogers, en 1945. Il soutiendra de manière radicale que non seulement le patient doit parler librement, mais que le jeu des associations et réflexions qu’il produit au cours de l’entretien lui permet en fait d’avancer dans sa problématique et de trouver une solution ou un jugement, en dehors de toute autorité extérieure. S’appuyant sur une vision optimiste, voire utopique, de l’homme naturellement capable d’autonomie et d’auto-analyse, il énonce les principes désormais célèbres de la non directivité comme une véritable profession de foi philosophique et politique : il faut laisser la personne interrogée parler et élaborer son vécu, sans recentrage autoritaire, en permettant une « auto centration » du sujet sur lui-même.
Certes, dans les études qualitatives actuelles, il est rare d’utiliser la technique d’entretien de manière « pure » et totalement non directive, les recentrages sur le sujet de l’enquête étant nécessaires. Toutefois, l’enseignement de Carl Rogers doit toujours demeurer présent à l’esprit de l’intervieweur : il faut laisser à la personne interrogée la possibilité d’avancer dans sa propre réflexion, plutôt que de forcer l’interprétation en lui proposant des reformulations ou jugements induits. Un entretien réussi est celui qui a permis à l’interviewé de « problématiser » à sa manière le sujet, en formulant progressivement son avis, quitte à passer par des questionnements, impasses et contradictions qu’il faut laisser émerger.

L’application de ces entretiens qualitatifs à l'entreprise, a commencé très tôt, dès les années 1930. En 1929, Roethlisberger et Dickson mènent ainsi une enquête quantitative à la Westerns Electric, aux Etats-Unis, sur les conditions de la productivité de l’entreprise. Ils s’aperçoivent que, comme pour les enfants écoutés par Piaget, les réponses données à des questions fermées sont pauvres et peu fiables.
Par contre, à l’occasion du questionnaire, les ouvriers interrogés se mettent souvent à parler d’autres événements ou éléments, ces digressions leur semblant beaucoup plus riches d’enseignement. Ils abandonnent alors le questionnaire fermé, en le remplaçant par des « entretiens indirects » ou semi directifs, enregistrés sur magnétophone puis retranscris intégralement, où ils abordent le sujet, puis laissent parler librement l’interviewé, quitte à le recentrer sur des thèmes prévus à l’avance. L'entretien qualitatif appliqué à l'entreprise est né !

24 mars 2009

Créativité méthodologique en temps de crise

Après avoir vu les limites des réunions de groupe et présenté quelques premières idées pour leur adaptation en temps de crise (cf notes précédentes, notammment sur les réunions type Tuperware à domicile), voici deux nouvelles idées pour optimiser les budgets et l'organisation des réunions de groupe:
Première idée: la réunion de groupe chez le client. A condition que les bureaux de ce dernier soient proches d'un moyen de transport en commun, et qu'il dispose de salles de réunion neutres pouvant acceuillir une dizaine de personnes (ce qui est quasiment toujours le cas), l'une des manières les plus simples d'optimiser le budget des réunions de groupe consiste à économiser les coûts élevés de location de salle en faisant venir directement les consommateurs dans les locaux du client. Autre gros avantage supplémentaire: en filmant la réunion avec notre caméra et en branchant notre propre cordon péritel sur une télévision dans un bureau voisin si le client ne dispose pas d'une glace sans tain, cela permet à nos clients d'assister en simultané à la réunion en n'ayant plus qu'à prendre l'ascenseur pour rejoindre la salle, sans perdre de temps dans les transports, et sans payer des sommes astronomiques pour une vidéoconférence ou une retransmission internet aléatoire! L'essai que nous avons réalisé dernièrement pour l'un de nos clients qui nous faisait tester une série de stimuli a magnifiquement illustré la souplesse de cette méthodologie, les différents responsables et créateurs de chaque stimulus venant successivement regarder les réactions du public à leur création, en étant libres de regarder les réactions aux autres stimul ou de repartir pour réfléchir à des pistes d'optimisation. En effet, grâce au temps gagné, une phase de re-travail des stimuli a pu être aussitôt enclenchée, et d'autres réunions être menées les jours suivants pour évaluer les nouvelles créations !
Deuxième idée: la ROM, ou Réunion après Observation Mystère. Cette méthodologie que nous avons également testée avec succès consiste à envoyer individuellement les futurs participants jouer au visiteur mystère dans l'enseigne cliente et dans l'enseigne concurrente, en leur demandant de noter toutes leurs remarques ou réflexions dès leur retour à leur domicile. On organise ensuite avec eux une réunion de groupe qui a l'avantage d'être beaucoup plus concrète, enrichie par leur expérience et leurs observations. Cette méthode est particulièrement adaptée pour des enseignes, magasins, lieux publics, tests de nouveaux concepts, en ajoutant ainsi une phase d'imprégnation et d'observation à la réunion de groupe classique.
Deux idées parmi d'autres, pour montrer que la crise représente aussi un moment idéal pour inventer et adapter de nouvelles méthodes !